lundi 15 décembre 2008

Mais que se passe-t-il donc dans le Cantal?

Nul doute qu'Alain Marleix, ministre délégué aux Collectivités locales chargé du redécoupage législatif, et fin connaisseur de la carte électorale à l'UMP, a examiné avec attention les résultats des deux partielles qui ont eu lieu dimanche dans son département du Cantal.
Si ces deux cantonales ne remettent nullement en cause l'écrasante domination de la droite au sein du conseil général (19 sièges sur 27), elles vont totalement à l'encontre de la géopolitique de ce département.
A Aurillac IV, canton détenu depuis 1994 par le PRG Jacques Mézard, c'est le divers droite Philippe Maurs qui l'emporte face à la socialiste Claudine Fley, par 57,9 %. Il avait obtenu 53,6 % lors du premier tour, dimanche 7 décembre, mais la très faible participation (38 %) nécessitait l'organisation d'un second tour.
Pour la droite, cette victoire sonne comme une revanche sur les sénatoriales de septembre dernier. Lors de ce scrutin, Jacques Mézard avait soufflé le siège détenu par l'UMP Roger Besse, qui ne se représentait pas, au divers droite Yves Coussain.
Cette élection avait constitué l'une des plus grosses surprises de ces sénatoriales: l'envoi au palais du Luxembourg d'un homme de gauche par un département solidement ancré à droite.
Elle s'expliquait cependant par le contexte local. Président de l'agglomération d'Aurillac, Jacques Mézard avait eu raison d'une figure de la droite sur le déclin. Ayant arraché en 1988 la 1ere circonscription, formée autour d'Aurillac, aux socialistes, Yves Coussain a ensuite échoué aux municipales de 1995 à Arpajon-sur-Cère et de 2001 à Aurillac. Ayant abandonné sa circonscription en 2007, il pensait poursuivre sa carrière au Sénat mais a payé un certain désamour local.
Découpé en 1973 à partir de l'ancien canton d'Aurillac-Nord, ce canton est une vieille terre radicale. Aurillac-Nord est passé mécaniquement à droite en 1972, lorsque le conseiller général radical a refusé le Programme commun. En 1979, c'est Philippe Maurs qui lui succède sous l'étiquette UDF.
Industriel, laïc, le bassin d'Aurillac vote à gauche sans interruption depuis 1977. Les quatre cantons de la préfecture étaient tous à gauche depuis 1994. La droite signe avec cette partielle un retour dans ce seul secteur du Cantal où elle a quelques difficultés à s'imposer.
Ce n'était jusque-là pas du tout le cas du côté de Saint-Flour. Or, le canton Sud de la sous-préfecture est passé à gauche dimanche. Une demi-surprise, puisque le 7 décembre, le socialiste Gérard Salat est arrivé en tête avec 50,54 % face à l'UMP Michel Rouffiac. La participation n'ayant atteint que 41 %, un second tour a été organisé. Il a vu le PS l'emporter avec 53,18 %, avec une abstention de 64,11 % due en partie aux fortes chutes de neige de ce dimanche.
C'est une véritable pierre dans le jardin de Pierre Jarlier, le sortant UMP qui, comme Jacques Mézard, a du se conformer à la loi sur le cumul des mandats, étant maire de Saint-Flour depuis 1989 et réélu sénateur en septembre.
Depuis 1958, c'est une première sur la terre d'élection de Georges Pompidou. Contrairement à Aurillac, Saint-Flour demeure une ville catholique et conservatrice, relativement isolée dans un environnement très rural et peu porté à gauche. Le canton Sud est découpé sur la Planèze, un haut-plateau volcanique propice à l'élevage, et ouvert sur l'Aubrac et la Margeride, régions aussi très conservatrices du Massif central. Depuis un demi-siècle, il n'a été représenté que par différentes sensibilités de droite: indépendants, gaullistes, chrétiens-démocrates, libéraux...
Dans ce contexte, plusieurs explications peuvent être avancées à ce résultat.
Avant tout, bien sûr, la personnalité du nouvel élu. Gérard Salat n'est pas un inconnu dans ce canton. Maire de Villedieu, il a ainsi pu attirer un certain nombre de suffrages ruraux, qui se sont additionnés à ceux provenant de Saint-Flour, où l'électorat de gauche reste tout de même plus présent. A noter qu'il fut également suppléant du candidat PS aux dernières sénatoriales, Jacques Klem. Ce qui a sans doute laissé des traces dans ce secteur où les électeurs restent assez proches de leurs élus.
D'autres raisons, tenant à la mécanique même des élections partielles, peuvent être invoquées. Ainsi, il est plutôt courant que l'électorat rural remplace un élu qui abandonne son siège par un de ses opposants politiques, comme c'est le cas assez souvent dans un département tel, par exemple, les Hautes-Alpes. Dans d'autres, comme l'Eure-et-Loir, toutes les législatives partielles, depuis 1988, ont été perdues par les sortants.
Enfin, il ne faut sans doute pas mettre de côté certains changements sociologiques. Même si Saint-Flour Sud peut toujours être classé dans le "rural profond", le voisinage de l'A75 attire peu à peu une nouvelle population aux comportements électoraux différents. Ce qui est valable également pour Aurillac, tant les comportements des électeurs urbains deviennent volatiles.
Les prochaines consultations seront l'occasion de constater s'il s'agit d'un épisode sans lendemain, du à des causes conjoncturelles, ou l'amorce de changements géopolitiques plus profonds.
Emmanuel SAINT-BONNET
Photo: carte historique des cantons du Cantal depuis 1958 (fond de carte http://www.geoatlas.fr/)
POUR EN SAVOIR PLUS
Tout sur la géopolitique du Cantal http://www.atlaspol.com/AU/cantal.htm
Tout sur les élections cantonales http://christof.rmc.fr/

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