mardi 3 mars 2009

Contribution sur les régions Balladur

Le rapport de la commission Balladur sur la réforme des collectivités locales sera remis dans les prochains jours au président de la République.
Les nombreuses fuites dans les media depuis quelques jours ont anticipé le débat qui suivra sa publication officielle. Dans ce contexte, les Artisans Politologues apportent leur contribution.
Dans toute démocratie, une réforme des collectivités locales ne peut se concevoir qu’à tous ses échelons. Quitte à en supprimer certains. Elle doit également s’effectuer du bas vers le haut afin d’emporter l’adhésion du plus grand nombre.
Fédérations de communes
La commune est la brique de la démocratie française. Le grand nombre de communes n’est pas forcément un handicap. Le fait que de petits groupements humains, ne dépassant quelquefois pas quelques dizaines de citoyens, puissent élire leur représentant est un signe de vitalité démocratique et d’implication dans la vie politique.
Le problème ne vient pas en fait du nombre de communes, mais de leurs compétences, que les plus petites d’entre elles ont du mal à tenir du fait d’un manque de moyens humain et financier. Ce sont ces compétences qu’il faut ventiler, et non les communes qu’il faut fusionner, les expériences du passé ayant largement démontré les limites de cet exercice, surtout quand il était pratiqué de manière autoritaire.
La solution réside dans une intercommunalité rénovée. Elle pourrait s’appuyer sur la loi PLM de 1982, qui a démontré une certaine efficacité dans les arrondissements parisiens et lyonnais et dans les secteurs marseillais.
En clair, les communes garderaient leurs conseils et leurs maires, à l’instar des arrondissements. Le conseil intercommunal serait élu en même temps que les conseils municipaux, suivant le système de fléchage de la loi PLM, tout comme le conseil de Paris.
Une fois créées, ces intercommunalités pourront garder une grande souplesse dans leur périmètre. Celui-ci pourra être révisé par une commission indépendante qui s’appuiera sur des données objectives (démographie, bassins d’emploi, géographie, histoire…) pour avaliser l’adhésion ou le départ de certaines communes de la structure. Deux réserves seront émises a priori : ces communes devront se trouver à la périphérie de l’entité, afin de garantir sa continuité territoriale, et les partantes devront obligatoirement et immédiatement adhérer à une entité voisine. Le changement d’entité sera déclenché par un referendum à la majorité absolue, après décision, toujours à la majorité absolue, du conseil municipal, de l’organiser.
On pourrait alors dénommer ces entités fédérations de communes.
Conseils de quartier et de hameau
Le transfert d’une partie du pouvoir communal vers les fédérations de communes devra s’accompagner d’un renforcement de la démocratie participative. Cette dernière s’exprimera à travers des conseils de quartier dans les agglomérations et de hameau dans les zones à habitat dispersé. Ils auront une fonction consultative, leurs décisions devront être obligatoirement examinées par le conseil municipal, qui devra se prononcer par un vote. Ils auront également la possibilité de révoquer des élus, suivant une procédure transparente.
Ces conseils auront enfin une fonction d’éducation civique. Les jeunes pourront y siéger à partir de 16 ans, sans toutefois pouvoir les présider. Ils pourront également accueillir des résidents étrangers depuis plus de trois ans, ce qui constituera un point de départ concret au débat sur la participation des immigrés hors Union européenne à la vie politique locale.
Résoudre le casse-tête actuel de l’intercommunalité
Un délicat équilibre devra être trouvé entre la cohérence géographique, historique et démographique des fédérations de communes et l’histoire de l’intercommunalité des territoires qu’elles recouvriront. Les structures intercommunales actuelles se sont le plus souvent créées autour de communes ayant eu l’habitude de travailler ensemble, et quelquefois aussi selon les affinités politiques du moment. Ce qui fait que, par exemple, certaines unités urbaines se retrouvent éclatées entre deux intercommunalités (Rives, Romans-sur-Isère…), malgré la continuité du bâti et les flux de population en son sein.
Un comité interministériel devra être chargé, en toute transparence, de remédier à ces dysfonctionnements. Sa mission devra bien sûr s’effectuer en concertation avec les structures concernées.
Selon les « fuites » rapportées dans les media, la commission Balladur propose assez sagement de se donner jusqu’en 2014 pour que toutes les communes de France adhèrent à une structure intercommunale. A l’heure actuelle, environ un sixième d’entre elles restent isolées.
Il sera également nécessaire d’englober dans les fédérations de communes les différents syndicats à vocation multiple et unique existant encore. Ne devraient subsister que ceux dont le périmètre géographique sera plus étendu que la fédération de communes.
Que faire des départements ?
Ce sera sans doute le point le plus difficile à aborder dans une éventuelle réforme. Le département est-il l’échelon à supprimer ? Beaucoup d’éléments convergent en faveur de sa disparition. Conçu en 1790 pour placer chaque centre administratif à une journée de cheval, il est, à cet égard, obsolète depuis le développement du chemin de fer sous le Second Empire. L’argument avancé par nombre de présidents du conseil général selon lequel le département est indispensable parce qu’il traite des questions sociales avec proximité ne tient pas. Il suffit de transférer ces compétences aux fédérations de commune pour retrouver les services et la proximité.
L’argument le plus solide en faveur du département reste l’attachement des Français à cet échelon à l’identité très forte. Qu’on en juge par la levée de boucliers occasionnée ces derniers mois par la disparition des numéros de département sur les plaques d’immatriculation. Supprimer les départements reviendrait à déclencher une polémique encore plus violente.
Alors que faire ? La commission Balladur semble apporter un début de réponse en proposant de créer des conseillers territoriaux, qui seraient fléchés comme les conseillers de Paris. Le département existerait alors toujours en tant qu’administration. Une solution qui ne ravira pas les partisans de l’efficacité, mais les institutions démocratiques sont souvent le fruit d’un consensus.
Pays et cités
Dans le système des fédérations de commune, celles-ci constitueront également la circonscription électorale des conseillers régionaux (ou territoriaux). Pour assurer un rééquilibrage en faveur des zones urbaines, on peut imaginer trois modes de scrutin. Les fédérations constituées par une métropole, ou par une zone très urbanisée, éliraient quatre conseillers à la proportionnelle. Celles ayant en leur centre une petite ville en désigneraient deux. Quant aux zones rurales, elles auraient un conseiller élu au scrutin majoritaire à deux tours.
C’est ainsi la notion de pays et de cités, existant dans l’espace français depuis l’époque romaine, qui serait remise au goût du jour.
Des régions renforcées
La position présumée de la commission Balladur sur les régions déclenche de fortes polémiques, notamment sur la volonté qu’elle aurait d’en réduire le nombre.
Notons que les arguments en la faveur d’un tel changement tiennent peu la route : on fusionnerait certaines régions pour qu’elles deviennent « à dimension européenne ». Une notion très vague, fondée, comme beaucoup de lieux communs, sur un prétendu « déclin » ou « retard » de la France sur ses voisins européens.
Les régions françaises sont comparables en surface aux provinces espagnoles ou aux Lander allemands.
Cela ne signifie pas qu’il ne faille rien toucher. Certains ajustements seront même nécessaires. Faut-il garder deux Normandies ? On pourrait aussi régler la question de l’enclave des papes en l’englobant dans l’arrondissement de Nyons, et en basculant le tout soit dans Provence – Alpes – Côte-d’Azur, soit Rhône-Alpes. Il sera également nécessaire de revoir le tracé des limites régionales, pour réunifier certaines agglomérations comme Alençon, Redon, Mâcon, Beaucaire ou Aire-sur-l’Adour…
Pour en revenir à la dimension régionale, la véritable révolution serait de donner davantage d’autonomie et de compétences aux régions. Ceci sans accroître les inégalités entre elles, en mettant un place une véritable politique de péréquation.
Emmanuel SAINT-BONNET