jeudi 19 août 2010

Le redécoupage Marleix dans la Manche

Encore très rurale, la péninsule du Cotentin perd un siège à l'Assemblée nationale et se retrouve avec un découpage plutôt cohérent. Peut-être parce que la majorité, ici, risque assez peu, diront les détracteurs d'Alain Marleix.
1ere circonscription (Saint-Lô)
Cette nouvelle 1ere mord sur l'est de l'ancienne 4e, et récupère donc les cantons de Montebourg et Sainte-Mère-Eglise, qui n'ont jamais voté à gauche depuis 1958, ce qui la fera encore plus pencher à droite. Pas de souci en vue donc pour le député UMP sortant, Philippe Gosselin, qui pourrait affronter un élu du bassin de Saint-Lô, seul secteur de la circonscription où la gauche est bien implantée, sans doute le socialiste Jean-Karl Deschamps.
2e circonscription (Granville)
Ce secteur ne gagne qu'un seul canton mais pas des moindres: Granville. Plutôt fragile pour la majorité, avec un chef-lieu ayant basculé à gauche en 2008, il devrait cependant être noyé dans un océan de droite. La carte révèle que la majorité des cantons de cette circonscription a toujours été fidèle à cette sensibilité depuis 1958 (bleu foncé). La situation actuelle n'est guère différente. Le PS ne détient que La Haye-Pesnel (depuis 2008) et ses alliés divers gauche Pontorson (depuis 1998) et Saint-James (depuis 2002). L'implantation de la gauche est donc ici trop récente, mis à part à Pontorson qui avait déjà élu un conseiller PS en 1976, et dans le vieux fief radical, passé à droite en 1964, de Saint-Hilaire-du-Harcouet. Elle ne devrait pas trop inquiéter le député UMP Guénhaël Huet. L'élection de 2012 pourrait tourner à un duel entre les maires des deux grandes villes de la circonscription, à savoir M. Huet à Avranches et le radical de gauche Daniel Caruhel, à Granville.
3e circonscription (Valognes)
Privée de la ville de Granville, cette circonscription récupère le plus gros de l'ancienne 4e, abritant la plus grande partie de la côte ouest. L'opération n'est pas anodine pour la majorité. Elle va consister en l'arrimage des zones rurales conservatrices de l'ancienne 3e avec les cantons bien plus tangents de la 4e, sous la pression de l'agglomération de Cherbourg-Octeville. Trois gros dominos sont ainsi tombés à gauche: Barneville-Carterêts en 1998, Les Pieux en 2001 et surtout Valognes en 2004, ainsi que Coutances, plus au sud, la même année. Deux lourdes défaites à l'époque, puisque essuyées par les députés UMP de deux circonscriptions, Claude Gatignol et Alain Cousin. Davantage que la géographie électorale, globalement favorable, tout de même, à l'UMP, se posera la question du renouvellement des cadres. Les deux hommes, en effet, ont été élus pour la première fois en 1988. Le parti majoritaire pourrait pousser une nouvelle tête, comme le maire UMP de Coutances Yves Lamy. A moins que le siège ne soit réservé à un allié du Nouveau Centre, comme le maire de Valognes Jacques Coquelin. La gauche pourrait ainsi voir s'entrouvrir une fenêtre de lancement, peut-être avec le conseiller général PS de Valognes Yves Neel.
4e circonscription (Cherbourg-Octeville)
L'ancienne 5e s'étend désormais sur tout le littoral nord, en gagnant les cantons de Quettehou et surtout de La Hague. Cette nouvelle configuration pourrait bien gêner la gauche dans ce secteur, le seul qu'elle domine régulièrement sur toute la péninsule. Au plan de la géographie électorale, ces ajouts devraient peu la perturber. Même s'ils sont classés plutôt de droite depuis 1958 (en bleu clair sur la carte), les changements sociologiques en cours sur ces territoires devraient cependant renforcer la tendance observée depuis très longtemps dans l'agglomération de Cherbourg-Octeville, et qui se manifeste ici par trois points rouges jamais passés à droite depuis leur création: Cherbourg-Octeville Sud-Ouest, Equeurdreville-Hainneville et Tourlaville. En revanche, l'arrivée du très symbolique canton de La Hague, qui abrite le centre de retraitement des déchets nucléaires, une installation qui a fait émerger ici, plus tôt qu'ailleurs, un électorat écologiste, devrait inciter Europe-Ecologie et Les Verts à une campagne active en 2012. Elle pourrait être incarnée par Didier Anger, vieil opposant au centre de retraitement et candidat de la gauche plurielle dans l'ancienne 4e, en 1997. Un caillou vert suffisant pour faire trébucher le député socialiste Bernard Cazeneuve, qui bénéficie de nombreuses voix de gauche mais également pro-nucléaires? C'est ce qu'espère la droite, au sein de laquelle l'ancien député UMP (2002-2007) Jean Lemière pourrait faire un retour, dans ce secteur qui a toujours zappé depuis 1988.
A quoi faut-il s'attendre...
Il sera assez difficile, mais pas impossible (surtout en cas de victoire à la présidentielle), pour la majorité UMP, de ne pas perdre un siège. La reconquête de la nouvelle 4e est loin d'être gagnée, et le jeu pourrait s'ouvrir dans la 3e si le contexte national ne s'arrange pas pour la droite.
Emmanuel SAINT-BONNET

lundi 9 août 2010

Le redécoupage Marleix en Lozère

Véritable symbole des déséquilibres démographiques pouvant justifier un redécoupage législatif, la Lozère, le département le moins peuplé de la métropole, se retrouve donc avec une circonscription unique, née de la fusion des deux prééxistantes. Ces dernières, il est vrai, abritaient moins d'électeurs que certains cantons dans des "gros" départements.
Circonscription unique
Sur le papier, ce siège est promis à la droite. La carte des tendances depuis 1958 (ci-contre) montre du bleu presque partout, sauf sur les quatre cantons cévenols du coin sud-est, qui d'ailleurs affichent un rouge révélant qu'ils n'ont jamais basculé à droite sous la Ve République. La situation actuelle s'avère moins clivée. Au conseil général, la gauche a débordé à l'ouest vers la vallée du Tarn et surtout au nord en direction des villes de Mende et Langogne. Pour conserver ce siège de député, la majorité devra prendre en compte au moins deux facteurs. D'abord ces deux communes, qui ont basculé à gauche lors des municipales de 2008, pourraient devenir des réservoirs de suffrages pour l'opposition. Elles se trouvaient dans l'ancienne 1ere circonscription, conquise à la surprise générale par le PS en 1997. Ensuite la disparition de l'ancien maire centriste de Mende Jean-Jacques Delmas, en 2010, posera la question de l'attitude de l'électorat du centre, relativement important sur cette terre catholique, qui n'est pas à l'abri d'un réalignement à la bretonne (sanction contre les centristes de l'UMP par un vote à gauche au second tour). A cet égard, les cantonales de 2011 seront cruciales pour l'UMP, qui mécaniquement perd un siège. Le département est en effet plus facile à tenir par deux députés, que par un seul, davantage exposé aux basculements. Le parti majoritaire devra surtout choisir qui des deux sortants investir: Francis Saint-Léger ou Pierre Morel? La solution pourrait être d'exfiltrer l'un des deux vers le Sénat en septembre 2011. L'opération sera très peu risquée (à moins d'une surprise comme dans le Cantal en 2008) mais elle supposera le retrait du puissant Jacques Blanc, véritable champion de la survie politique. Au PS, où l'on ne manquera pas d'observer ces opérations avec une certaine gourmandise, le choix pourrait se porter sur le maire de Langogne Guy Malaval, le conseiller du même canton Gérard Souchon, ou Dominique Aulas, opposante locale à Jacques Blanc. A moins que cette circonscription ne soit réservée à un allié, comme le conseiller général radical de Florac Alain Argilier, ou simplement le maire divers gauche de Mende Alain Bertrand.
A quoi faut-il s'attendre...
Pas mal de projecteurs devraient être braqués sur la Lozère en 2012. Ce scrutin apportera quelques éléments de réponse à cette question: les derniers succès locaux de la gauche sont-ils conjoncturels ou le signe avant-coureur d'un réalignement de l'électorat lozérien, comme une réponse au phénomène de varisation (glissement à droite de secteurs acquis de longue date à la gauche) constaté dans le sud du Languedoc-Roussillon?
Emmanuel SAINT-BONNET