lundi 21 mars 2011

Antimondialistes contre altermondialistes, ou les enseignements du premier tour des cantonales en Isère

Le premier tour de ces cantonales du 20 mars s'est soldé en Isère par une abstention de 58,34 %. Un record pour ce type consultation, qui s'explique en partie par son découplage, une première depuis 1994 (et 1985 pour cette série de cantons). Aucun autre scrutin n'était organisé le même jour, qui aurait pu servir de levier à la participation. Les électeurs n'étaient pas allés aux urnes depuis mars 2010. Le premier tour des régionales avait alors vu une abstention de 57,10 % en Isère. Les régionales sont habituellement moins mobilisatrices que les cantonales, l'enjeu paraissant plus lointain pour les électeurs. Cependant, en 2010, la visibilité médiatique des régionales a semblé bien plus importante que ces cantonales de 2011. La faute en partie à la proximité (quatorze mois) de la présidentielle de 2012. Les media nationaux ont cette échéance en ligne de mire. Contrairement au scrutin de 2010, durant lequel elle a manifesté des velléités de reconquête, la majorité présidentielle et parlementaire semble avoir fait totalement l'impasse sur ces cantonales. En Isère, elle le paye assez chèrement. Si elle est reconduite dans deux cantons (Monestier-de-Clermont et Saint-Jean-de-Bournay) dès le premier tour, elle est éliminée de douze des vingt-quatre seconds tours qui seront disputés le 27 mars. La droite a littéralement été décimée par l'émergence du Front national dans le Nord-Isère et dans les cantons populaires du Sud-Isère et, dans une moindre mesure, par la poussée des écologistes dans le bassin grenoblois. Plus l'abstention est forte et plus la circonscription est petite, plus les forces politiques respectives sont renforcées dans leurs fiefs. Parallèlement à la bonne tenue du FN, ce principe à joué pleinement dimanche soir. Au Sud, la droite ne s'en sort bien qu'à Clelles et Corps. Au Nord, elle n'est qualifiée au second tour, face au FN, qu'à Crémieu et Morestel. Elle ne se maintient correctement que dans un no man's land situé entre Saint-Marcellin et Saint-Geoire-en-Valdaine, où l'on ne trouve que de classiques duels droite-gauche. Autre facteur qui a hâté cette chute: le relèvement de la barre de maintien au second tour de 10 % à 12,5 % des inscrits. Mécaniquement, il a raréfié les triangulaires gauche-droite-FN, autrefois légion en Nord-Isère. Le FN bénéficie le plus souvent de la bonne mobilisation de son électorat. En nombre de voix, il a le plus souvent tendance à stagner, d'où un effet grossissant du à la démobilisation des autres électorats. Une observation à nuancer. Les électeurs du FN sont aussi parmi ceux les plus tentés par l'abstention. De plus, il est possible que dans les quartiers les plus fragiles de l'agglomération grenobloise, ce vote ait été davantage "mariniste" que frontiste. L'électorat de Marine Le Pen semble en effet davantage concerné par la désespérance sociale et la peur du déclassement. Dans le Nord-Isère, même si ces questions existent aussi, on trouve un électorat davantage conforme au profil "classique", séduit autrefois par le discours de Jean-Marie Le Pen. Arrivé en tête, le PS se maintient bien. Il semble davantage menacé par Europe-Ecologie - Les Verts dans l'agglomération grenobloise (Grenoble I, III et Saint-Egrève) que par la droite, qui n'est réellement menaçante pour lui qu'à Saint-Marcellin. Mathématiquement, après une progression constante depuis 1998, les socialistes arrivent à un plafond de verre. Même s'ils gagneront très vraisemblablement Heyrieux, du fait de la division de la droite, la conquête de Corps va être délicate, et celle de Clelles difficile. La tentation semble forte, dans ce premier tour, de se tourner vers des forces politiques en dehors du système ou sur ses marges. Ainsi, s'ils ont été éliminés de l'extrême-sud du département, où leurs scores aux régionales pouvaient laisser entrevoir de meilleurs résultats, les écologistes gagnent des points dans les zones urbaines et péri-urbaines du Sud, où la sociologie leur est davantage favorable. Les communistes, quant à eux, se retrouvent dans la situation délicate de devoir leur probable réélection au FN, alors qu'habituellement celle-ci intervenait après un désistement du PS arrivé second. C'est particulièrement vrai à Echirolles-Est et Saint-Martin-d'Hères - Nord, et plus généralement dans leurs cantons "sociologiques", abritant ouvriers et classes populaires. Dans le seul canton "notabiliaire" de cette série, Vinay, le sortant est sérieusement menacé par la droite. Sans pour autant tirer des plans sur la comète de 2012, il est possible que ces cantonales préfigurent le clivage partageant les sociétés actuelles entre alter et antimondialistes. C'est aussi ce qu'on pourrait lire entre les lignes de ces résultats, marqués par les poussées conjointes des écologistes et de l'extrême-droite. Emmanuel SAINT-BONNET A suivre, l'analyse détaillé de certains cantons emblématiques... Et à réserver, les chroniques électorales de ces cantonales en Ardèche méridionale, à paraître dans les semaines à venir.

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